Dans un contexte de baisse de la consommation des produits textiles et d’habillement, nombreuses sont les marques et les enseignes de mode française qui réinvestissent les ateliers français. Quelles sont les raisons de ce nouvel engouement pour la confection hexagonale et quels sont les acteurs qui choisissent de maintenir ou de relocaliser leur production ?
Depuis 2007, chaque année l’érosion des ventes se confirme, et 2016 n’a pas fait exception en la matière. Selon l’Institut Français de la Mode, les achats d’habillement en boutique et en ligne ont chuté de 12% en 9 ans. Les raisons de cette baisse sont maintenant bien identifiées par les professionnels du secteur.
Entre autres causes, l’habillement est en temps de crise le poste de dépense sur lequel le consommateur rogne en priorité. Ajoutez à cela, l’agressivité commerciale des enseignes de « fast fashion » est l’équation devient particulièrement compliquée à résoudre pour de nombreux acteurs de taille intermédiaire. Adopter une stratégie « made in France » apparaît alors pour certains comme une option de plus en plus séduisante. La relocalisation de la production est perçue comme une opportunité de croissance, perception logiquement amplifiée par les récentes « success stories » du Slip Français et de 1083.
La profession prend doucement mais surement conscience des enjeux liés à l’origine de production. Le salon professionnel Première Vision valorise d’ailleurs avec son programme de conférences et d’expositions, le sourcing de proximité et les pratiques éco-responsables. Cependant, la transformation n’est pas évidente, les groupes se sont développés sur des modèles économiques bien différents des jeunes start-up. La relocalisation passe donc le plus souvent par la création d’une gamme de quelques pièces, des basiques en édition limitée ou bien encore en lançant des opérations de « cobranding » avec de jeunes labels français. En tout cas, les décideurs ont parfaitement intégré que le made in France est un levier de croissance non négligeable.
Quelques bonnes raisons de fabriquer en France :
- La combinaison gagnante entre une bonne qualité de confection et un savoir-faire chargé d’histoire. Une offre qui répond à la demande du consomm’acteur, l’origine de fabrication est en effet un critère important pour 70% des Français (sondage IPSOS – 2015).
- Un délai de confection plus court pour lancer des collections plus réactives, qui collent davantage à l’humeur du marché de la mode, désormais rythmé par les réseaux sociaux et ses fameux influenceurs.
- Une gestion des stocks optimisée, minimisant ainsi les ventes en promotion.
- Un positionnement plus qualitatif se différenciant clairement de la « fast fashion ».
- Un sourcing de proximité plus léger à gérer, qui rationalise la logistique et le suivi de production.
- La confection française bénéficie d’une excellente image à l’international, nous ouvrant de réelles opportunités sur des marchés dynamiques où la croissance est bien supérieure à l’Europe.
- Un secteur qui innove, la France est par exemple le deuxième producteur européen de textiles techniques et cette activité affiche une croissance de 4 % par an. (source : defimetiers.fr)
Ce qu’il faut aussi retenir :
- Nos coûts de confection sont plus élevés que la moyenne européenne, il s’agit donc d’élaborer une stratégie marketing et produit bien adaptée à la marque.
- La filière confection, après une période de restructuration, redevient dynamique. Cependant, dans certains ateliers, le personnel qualifié à tendance à se raréfier, cela peut avoir un impact sur le suivi de production et le respect des délais.
Tour d’horizon non exhaustif de marques ou d’enseignes emblématiques qui ont choisi de maintenir ou de relocaliser leur production en France.
- La Redoute référence sur sa marketplace une sélection de marques ainsi que sa propre ligne R Essentiel (vêtements femme, homme, enfant ainsi que du linge de maison). Depuis 2014, les repreneurs Nathalie Balla et Eric Courteille insufflent une nouvelle dynamique où le made in France tient toute sa place.
- Kaporal a lancé fin d’année 2016 son Jean de Nîmes fabriqué dans le sud de la France. Laurence Pagagini, DG de la marque depuis 2013, suit avec grand intérêt les mutations du secteur de l’habillement et notamment les initiatives made in France (lire ses articles à se sujet sur LinkedIn).
- Le groupe Happy Chic avec ses marques Brice, Jules, Beezbee et sa filiale La Gentle Factory, propose des standards du vestiaire masculin majoritairement fabriqués en France. L’accent est spécialement mis sur la mode éthique et éco-responsable.
- Cotélac a délocalisé un temps sa confection, mais aujourd’hui certaines collections, notamment la ligne Raphaëlle, sont fabriquées dans son atelier à Ambérieu-en-Bugey (Ain).
- Le Coq Sportif a relocalisé partiellement sa production en 2012 sur son site historique à Romilly-sur-Seine (Aube). La fabrication française est un argument de vente largement revendiqué dans ses collections capsules.
- Menlook avec plus de 4 millions de visiteurs par mois est l’un des géants de l’e-commerce et du prêt-à-porter pour homme. Des centaines de marques sont référencées sur sa marketplace. L’enseigne y décline ses propres griffes made in France, avec les chemises sur-mesure Saint Sens et un vestiaire complet avec M STUDIO. Menlook dispose également d’une belle sélection de jeunes labels et de marques historiques : Bleu de chauffe, Lacoste, Oncle Pape, Armor Lux…
- Aigle fabrique depuis 1853 l’intégralité de ses bottes en caoutchouc au sein de son usine à Châtellerault (Vienne). Le made in France est un argument central pour ses ventes à l’export, notamment en Asie qui représente 50% de son CA.
- Longchamp fabrique partiellement en France, principalement dans le Sud Ouest dans ses ateliers historiques à Segré près d’Angers. Même les modèles fabriqués dans ses ateliers à l’étranger, passent obligatoirement par le contrôle qualité en France.
- Carrefour et Leclerc proposent désormais sous leurs marques respectives, Tex et Breizh Mod, une gamme complète de textiles made in France.
Et tant d’autres marques sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir plus en détail prochainement : Eminence, Bleufôret, Lacoste, Repetto, Guy Cotten, Armor Lux, Saint James, Pyrenex, Manufacture Regain, Agnès b, Paraboot…
Question ouverte : quel va être l’impact de la fabrique 4.0 sur l’industrie textile ?
C’est une question d’actualité particulièrement brûlante, la robotisation de l’industrie est en marche et nous promet une baisse des coûts de fabrication dans de nombreux secteurs d’activités. L’industrie textile a déjà considérablement amélioré ses gains de productivité en automatisant quelques-unes de ses opérations. Cette nouvelle révolution technologique va t-elle permettre d’accélérer la relocalisation de la confection en France ?
Ressources
Le made in France, véritable patriotisme économique ou “éthiquette” citoyenne à la mode ? (par Laurence Paganini – DG Kaporal) https://www.linkedin.com/pulse/le-made-france-v%C3%A9ritable-patriotisme-%C3%A9conomique-ou-%C3%A0-la-paganini
L’opportunité robotique dans l’industrie textile http://www.modeintextile.fr/lopportunite-robotique-dans-lindustrie-textile/
Les métiers des industries du textile et de l’habillement : chiffres et évolutions des filières. https://www.defi-metiers.fr/panoramas/les-metiers-des-industries-du-textile-et-de-lhabillement
Chiffres clés 2015 de l’Union des Industries Textiles http://www.textile.fr/wp-content/uploads/2014/12/UIT-Rapport-annuel-Chiffres-clefs-2015-VLR2.pdf
Made in France: 35 marques de mode au savoir-faire français
http://www.lexpress.fr/styles/mode/made-in-france-les-marques-au-savoir-faire-francais_1799853.html
Excellent article que je vais partager. Chez frenchop.com nous souhaitons aussi favoriser l’essor du « fabriqué en France » à travers le commerce en ligne accessible aux petites entreprises artisanales françaises.
https://www.frenchop.com
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